Comment Elizabeth Holmes a pu duper scientifiques, journalistes et hommes fortunés et s’en sortir la tête haute ?
J’arrive après la guerre, mais je viens juste de finir la série Dropout sur Elizabeth Holmes et il fallait que je fasse un débrief sur le blog. En ce moment j’ai envie de me lancer des dans articles décryptage et opinion mais toujours de façon légère. Disons que j’embrasse davantage la tag line du blog “Lifestyle Chronicles”. J’ai déjà publié un article sur le Scandoval et j’ai d’autre idées en stock. Mais honnêtement, je ne sas pas trop où je vais… N’hésite pas à me dire ce que tu en penses et si tu veux voir d’autres articles de ce style.
Mais revenons-en à nos moutons. L’article du jour est né après que j’ai regardé la série Dropout sur Disney+. Dropout est une mini-série créée par Rebecca Jarvis diffusée en 2022. Elle retrace l’histoire vraie de l’ascension et la chute d’Elizabeth Holmes, fondatrice de la start-up médicale Theranos. La série est captivante et m’a fait lire à peu près tout ce qui est disponible sur Internet sur le sujet. Ce qui a donné naissance à de nombreuses réflexions et sentiments contraires en moi.
Ce scandale n’a pas fait beaucoup de tapage en France. Pourtant, il mérite qu’on s’y intéresse ne serait-ce que pour saluer le génie et le machiavélisme d’Elizabeth Holmes.
Elizabeth Holmes et Theranos en bref
Tout d’abord, un petit résumé de l’histoire s’impose !
Elizabeth Holmes est une brillante jeune femme américaine issue d’un milieu aisé. Adolescente, elle rêve de devenir millionnaire en changeant la face du monde et la vie de chacun. Les histoires derrière les créations de Microsoft et Yahoo la fascinent. A l’université de Stanford, elle étudie la chimie mais n’a qu’une chose en tête : trouver l’idée qui lui permettra de lancer sa boîte dans le secteur de la santé.
Elizabeth Holmes et son idée novatrice
A 19 ans, elle arrête ses études et persuade ses parents de lui confier le reste de la somme allouée à l’université pour qu’elle puisse développer son entreprise. Son idée : un appareil qui permet de réaliser des dizaines d’analyses sanguines en quelques minutes avec une seule goutte de sang.
Au fil des années, Elizabeth Holmes a convaincu des centaines d’hommes d’affaires d’investir dans Theranos. Elle anime des conférences, siège à des conseils d’administration, fait la couverture de Forbes et de Fortune, reçoit des récompenses vantant les mérites de son travail, de sa société et de ses qualités de visionnaire. On la compare à Steve Jobs, compliment ultime qui a toujours été le véritable but à atteindre pour cette fan des premiers jours d’Apple.
C’est simple, avant la grande révélation de 2015, tout le monde ne jurait que par elle et Theranos était valorisée à 9 milliards de dollars.
Mensonges, complot et intimidation
Tout ceci alors que le fameux appareil qu’elle prétendait avoir inventé, n’a jamais été opérationnel. Il n’a jamais été en mesure de fournir des résultats fiables. En fait, pendant une dizaines d’années, le job d’Elizabeth Holmes consistait à :
- trouver de nouveaux investisseurs pour faire perdurer son rêve de start-upeuse,
- faire rayonner sa marque avec des discours hyper inspirants prônant la différence, la détermination à toute épreuve…
- camoufler le fait que son produit, “L’Edison”, ne fonctionnait pas.
Comment faisait-elle tout cela ? Grâce à une force de persuasion surprenante, un discours commercial bien rôdé, un service de sécurité omniprésent, des accords de non divulgation à outrance, un contrôle total des communications entre employés, des turn overs réguliers et de l’intimidation.
De nombreux bidouillages techniques ont été nécessaires pour conserver l’illusion de Révolution. Theranos aurait entre autres utilisé la technologie d’une autre firme pour effectuer certains tests, falsifié les résultats qui montraient une défaillance technique, sous-traité certaines analyses à d’autres laboratoires…
Les fondements de l’effet Elizabeth Holmes
“Wow la meuf est un génie ! Un génie du crime mais un génie quand même.” Voilà ce que je me suis dit lorsque j’ai compris toute l’histoire.
Elizabeth Holmes a été encensée de toutes parts pendant des années. Tous vantaient ses mérites d’entrepreneure, de visionnaire, de leader. C’était un exemple pour toutes les femmes de sciences qui souhaitaient entreprendre dans la Silicon Valley. Elle a réussi à introduire en bourse une société basée sur une technologie qui n’avait aucune existence concrète. Tout son succès reposait sur un mensonge. Il aura fallut des années avant qu’il ne soit exposé. Ainsi que plusieurs mois supplémentaires pour que ses partenaires financiers lui retirent leur soutien. Et, alors même qu’elle est poursuivie par le gouvernement américain, certains de ses contacts entrent en jeu pour tenter de lui éviter une sentence trop lourde.
Quand on y pense, c’est une belle démonstration d’habileté et de puissance. Mais comment a-t-elle pu en arriver là ?
Sa personnalité
Elle a tout d’abord convaincu ses professeurs de Stanford grâce à sa personnalité. Une jeune femme concentrée, travailleuse et intelligente. Ces qualités innées lui ont permis de faire oublier qu’elle n’était ni ingénieur, ni scientifique et qu’elle n’avait pas fait médecine.
Elle a réussi à copie l’aura des génies créatifs qui l’obnubilait. Par la même occasion, elle convainc tout le monde qu’elle est de la même trempe que Steve Jobs et Bill Gates et se forge un discours de vente des plus convainquant.
Tous la regardaient en étant persuadés qu’à ses côtés, ils entreraient dans l’Histoire.
Sa cible
Pour récolter des fonds, Elizabeth Holmes s’adresse à des WASP (white anglo-saxon protestants), des hommes blancs d’un certain âge, qui ont fait fortune dans les médias, comme Rupert Murdoch, dans le monde des finances ou qui ont une belle carrière politique derrière eux, comme Georges Shoultz. Des hommes qui n’ont pas de connaissances médicales, peu de connaissances technologies ou scientifiques. Ils ne sont pas familiers de l’univers start-up, ni de la deep tech, mais ils savent qu’il faut avancer dans cette direction.
Je dirais qu’il s’agit principalement d’anciennes fortunes, d’hommes un peu dépassés par les changements qu’ils voient s’opérer dans le monde et qui veulent continuer à en faire partie. Elizabeth Holmes satisfait la part d’eux qui a envie d’être le héros, d’agir pour le bien commun, de participer à un changement d’envergure. La société est en train de muter, elle leur offre ainsi l’opportunité de participer à cette mutation. Elle sait comment les prendre, comment leur parler car elle appartient à la même classe sociale qu’eux. Elle connaît les codes et son allure joue également pour elle.
Son look
Elizabeth Holmes n’est pas un canon de beauté, elle ne dérange pas. Elle est suffisamment belle pour qu’on la remarque mais pas assez pour que sa beauté prenne le pas, qu’on la réduise à cela. On ne la perçoit ni comme une menace, ni comme une femme fatale, ni comme une idiote.
Elizabeth Holmes tente de modifier sa voix. Elle va dans une tonalité plus grave, plus masculine. Sans doute pour inspirer le respect ou la peur. Peut-être pour ressembler à ces hommes puissants, et majoritairement misogynes, qui la financent. A moins qu’elle ne pousse l’adulation pour ses “pairs” fondateurs de start-ups un peu trop loin.
Sa capacité s’approprier les codes
L’univers start-up fascinait Elizabeth Holmes. Elle idolâtrait Steve Jobs, voulait le même succès que Mark Zuckerberg. Il lui a donc suffit de reprendre les caractéristiques de ces précurseurs et de leurs start-ups notamment via la première chose que l’on peut distinguer : le look.
Une garde-robe unique noire qui rappelle les t-shirts de Marck Zuckerberg et les cols roulés de Steve Jobs. Un maquillage qui ne bouge pas, un rouge à lèvres signature. Parce qu’elle reste tout de même une femme dans milieu d’hommes. Il faut qu’elle soit maquillée. Une coiffure simple qui laisse voir ses oreilles décollées, parce qu’il lui faut un élément différenciant. Un jus vert pour parfaire l’uniforme. Et le personnage est créé.
Ainsi, elle s’attire l’attention des médias et du public et peut véhiculer un message d’espoir et d’empowerment.
Le décorum
Elizabeth Holmes a copié l’univers start-up. Elle a tout mis en place pour que quiconque entrant dans ses locaux ait l’impression d’entrer dans les locaux d’Apple ou de Facebook. Il y a des jolies citations qui sonnent bien sur les murs. Les espaces de travail misent sur la transparence. On organise régulièrement des animations.
Le système de sécurité y est très rigoureux. Il y a des cameras partout, des portes verrouillées et tout un tas de processus mis en place pour “protéger” la technologie de Theranos. La PDG se balade avec tout un tas de gardes du corps, au cas où. Mine de rien tout cet apparat participe à l’effet Elizabeth Holmes et permet à Theranos d’inspirer le respect et la confiance.
Après tout, si la promesse n’était pas réelle, pourquoi faire autant de cinéma ?
Les limites de l’effet Elizabeth Holmes
Aussi ingénieuse soit-elle, Elizabeth Holmes fini par se heurter à la Vérité, aux lanceurs d’alerte et à la Justice.
Alerte
C’est un article du Wall Street Journal qui a mis le feu aux poudres. En octobre 2015, le journaliste John Carreyou publie une enquête remettant en cause la véracité de la technologie de Theranos. Il s’appuie également sur les témoignages de quatre anciens employés. La communication a beau être parfaitement bien rôdée, l’image tout à fait contrôlée, je pense que Theranos a sous-estimé le pouvoir de la déception et l’attachement à la morale de certains de ses employés.
Malgré cette “mauvaise presse” Elizabeth Holmes réussi à conserver le soutien de son conseil d’administration et de ses partenaires financiers. Elle a un tel pouvoir, ils lui font tellement confiance, qu’ils ne quittent pas le navire et ne lui posent pas les questions qui fâchent. Elle mise tout sur le fait que c’est une femme qui a du succès et que cela dérange. Ainsi, elle fait du sexisme sa meilleure défense. Comme il fallait un responsable, elle pointe du doigt son COO et amant secret Ramesh “Sunny” Balwani. Il a tout du coupable idéal : c’est un homme, bien plus âgé qu’elle, d’origine pakistanaise qui ne fait pas partie de leur caste.
Pourtant, le ver est dans le fruit. Les questionnements s’accumulent. Un climat de méfiance s’installe.
La déchéance publique d’Elizabeth Holmes
En 2016, le CMS (center for medicare and medicaid services) entreprend une enquête sur Theranos suite à une plainte. Quelques semaines plus tard, le CMS ordonne la fermeture des laboratoires Theranos pour une durée de deux ans. En cause, “des pratiques déficientes”. Theranos doit invalider les résultats d’analyses de 2014 et 2015. Elizabeth Holmes quant à elle n’a plus le droit de diriger ni de posséder un laboratoire pendant deux ans également.
Ces annonces confirment les “rumeurs” et amorcent une chute prochaine.
Theranos tente de sortir la tête de l’eau grâce à un nouveau PDG, une réorientation des ressources et de nouveaux projets. Aucun d’entre eux n’aboutit. L’entreprise licencie ses 800 employés petit à petit.
En 2017, un Grand Jury auditionne Elizabeth Holmes.
Selon Wikipédia, un grand jury est une “institution au sein d’un tribunal qui a le pouvoir de mener une procédure officielle pour enquêter sur les actes criminels et de déterminer si des accusations doivent être retenues”.
Un grand jury est donc une chambre d’inculpation populaire. Pour rappel, en 1998 le Président Bill Clinton (et toutes les parties prenantes) a dû s’expliquer devant un grand jury au sujet de sa prétendue liaison avec Monica Lewinsky. Le but était de déterminer si cette liaison avait eu lieue et si elle avait eu un impact sur la façon dont il dirigeait le pays. Auquel cas, cela aurait pu mener à sa destitution. C’est aussi le sujet de la saison 3 d’American Crime Story : Impeachment.
Poursuites judiciaires
En 2018, Elizabeth Holmes et Ramesh Balwani sont poursuivis pour fraude envers les investisseurs et les patients ainsi que complot en vue de commettre une fraude. Ils risquent 20 ans de prison et 275 millions de dollars d’amende. Le Département de la Justice, la Food and Drugs Administration et la Securities and Exchanges Commission poursuivent Theranos.
David Taylor, alors PDG de Theranos tente de revendre l’entreprise. En vain. Theranos cesse ses activité le 5 septembre 2018 et utilise les 5 millions de dollars restants pour rembourser ses créanciers. Sachant que la somme totale perdue par les investisseurs elle, s’élève à 800 millions de dollars.
L’effet Elizabeth Holmes face à la Justice
Alors que son avenir est plus qu’incertain et que toutes ses supercheries ont été révélées, l’effet Elizabeth Holmes persiste.
Ses anciens associés et actionnaires se font fait étrangement silencieux. Sans doute parce que leur ego les empêche d’admettre publiquement qu’ils se sont fait berner. Pire encore, le juge en charge de l’affaire a reçu plusieurs lettres lui demandant de faire preuve de clémence à l’égard de l’accusée.
Accusée qui, je le rappelle, a commis une fraude en prétendant avoir inventé une technologie qui permettait d’obtenir des résultats de labo fiables à partir de quelques gouttes de sang. Accusée qui était PDG d’une société qui fournissait parfois des résultats d’analyses erronés mettant en danger de véritables patients. Une société cotée en bourse sur les bases d’une technologique qui n’existait tout simplement pas.
Le charme opère toujours
Fin 2022, Holmes a été reconnue coupable de fraude envers ses investisseurs. Elle écope d’une peine de 11 ans de prison à commencer le 27 avril 2023. La fraude envers les patients n’a pas été retenue contre elle. Tout comme le complot en vue de commettre une fraude. Aucune amende ne lui a été infligée.
Son ancien COO Balwani quant à lui a écopé d’une peine supérieure. Il devra passer 13 ans derrière les barreaux.
Je ne peux m’empêcher de trouver ces verdicts disproportionnés et inéquitables. En tant que COO depuis 2010, Balwani était parfaitement au courant de l’inefficacité de l’Edition. Mais c’est en 2003 que Theranos à été fondée. Donc la seule personne à devoir rendre des comptes devrait être Elizabeth Holmes, la PDG.
De plus, ne pas avoir à payer d’amende quand on a arnaqué ses partenaires commerciaux ce n’est pas très fair play. Je ne parle pas des investisseurs. Quand on veut jouer, il faut savoir perdre et investir c’est avoir conscience qu’on peut empocher le pactole comme perdre l’ensemble de la somme investie. Je pense surtout aux pharmacies avec lesquelles Theranos travaillait. Dans cette affaire, elles ont perdu de l’argent, leur crédibilité et la confiance des malades. Cela a et aura forcément un impact sur leur chiffre d’affaires.
Malheureusement, la Justice américaine n’a pas mis ces points au premier plan et ne met pas Elizabeth Holmes face à l’ampleur de ses actes malveillants.
L’orgueil en action
Elizabeth Holmes n’a pas reconnu ses torts. Elle n’a jamais admis avoir mal agi. Lors des auditions de 2017 devant le grand jury, elle s’est contenté de bafouiller “je ne sais pas” à toutes les questions. Pendant son procès elle a clamé haut et fort qu’elle ne méritait pas d’être punie pour avoir échoué. Elle n’a pas évoqué le fait d’avoir berné des investisseurs, des partenaires commerciaux et mis en danger de vies humaines.
Son avocat a mis en avant le fait qu’elle n’était pas partie avec l’argent. Selon lui, cela prouve qu’elle n’était pas motivée par l’appât du gain et qu’elle croyait vraiment en ce qu’elle faisait. Moi je vois les choses différemment (et certains médias aussi).
Elle aurait pu tout arrêter. Arrêter de mentir encore et encore pour couvrir ses mensonges précédents. Admettre avoir échoué à créer une technologie innovante. Ceci bien avant d’avoir noué des partenariats avec des pharmacies pour qu’ils proposent les tests Theranos dans leurs locaux. Elle aurait aussi bien pu décider d’arrêter et de bifurquer sur autre chose. Mais elle ne l’a pas fait !
En cessant son activité elle n’aurait plus eu toute cette attention, toute cette notoriété, toute cette reconnaissance. Elle ne vivait que pour cela. Son objectif était d’être millionnaire, certes. Mais une telle volonté de la part de quelqu’un qui n’a jamais vraiment manqué d’argent n’a que peu de valeur. Elle voulait être millionnaire en montant son entreprise, elle cherchait à être acclamée.
C’est un crime guidé par l’orgueil et je ne trouve pas cela plus respectable qu’un crime de gourmandise. D’autant plus que même à son procès elle a fait preuve d’orgueil en refusant de reconnaître ses torts.
Garder la tête haute et rester libre
A ce jour, Elizabeth Holmes fait appel de sa sentence et ne s’est pas rendue en prison pour commencer sa peine. Un ancien employé aurait confié à son époux William Evans, qu’il regrettait d’avoir été si dure avec son ancienne patronne à la barre, que tout le monde faisait en sorte que cela fonctionne, que tout le monde y compris Elizabeth Holmes travaillait dure dans ce but. L’effet “Elizabeth Holmes” encore à l’œuvre. Elle garde la face, obtient une peine clémente mais met tout de même en place un stratagème pour éviter de faire face à ses actes. Au cœur de ce stratagème nous avons cet époux sorti de nulle part, William Evans, qui m’a tout l’air d’être totalement aux prises avec l’effet Elizabeth Holmes.
Stratégie de défense et nouveau projet de domination
Je suis plutôt du genre à me réjouir du bonheur d’autrui. Tant mieux si dans toute cette tourmente, Elizabeth Holmes a pu trouver chaussure à son pied. Mais je ne peux m’empêcher de me poser tout un tas de questions sur sa romance avec William dit “Billy” Evans. Est-ce un coup de com ? Est-il sous son emprise ? Ou bien est-ce une histoire d’amour comme les autres ?
Vu le timing de leur relation, on est en droit de se poser des questions… et de s’inquiéter pour la santé mentale de cet homme qui semble sous son emprise et visiblement prêt à tout pour lui éviter la prison.
Amours et procédures judiciaires
D’après la presse, Holmes et Evans se seraient rencontrés en 2017 à une fête après sa rupture avec Ramesh Sunny Balwani (ex-amant et COO licencié de Theranos, lui-aussi poursuivi pour fraude et complot en vue de commettre une fraude). Billy Evans a alors 27 ans. C’est l’héritier de la chaîne hôtelière Evans, tout juste diplômé du MIT. Ils assistent ensemble au festival Burning Man en août 2018. A quelques jours de la fermeture officielle de Theranos.
Un mariage secret aurait eu lieu en 2019. En 2021, il accueillent leur premier enfant. Puis un second en février 2023.
Comme je t’ai refait la chronologie un peu plus haut, tu sais qu’en 2017 le scandale Theranos avait déjà éclaté, que la fin était imminente. Pire encore, qu’Elizabeth Holmes était auditionnée par un grand jury qui devait déterminer si elle devait être poursuivie. En 2018, des poursuites ont bel et bien été engagées à son encontre. Malgré ce climat particulier, Billy Evans poste sur Twitter “Joyeux anniversaire à ma meilleure amie. L’année passée à été la meilleure que j’aie jamais eue”.
Ah bon ? T’es sûr ? Ok sur Internet, on a tous tendance à romantiser sa vie mais là je pense qu’on a passé un niveau.
Le début d’une nouvelle stratégie
Billy et Elizabeth se voient sans doute comme Roméo & Juliette ou Bonnie & Clyde . Peut-être que ce climat anxiogène a rendu les choses follement romantique. Puisque le couple se serait marié en 2019 alors la SEC (Securites and Exhanges Commission, les autorités financières) la poursuit pour fraude et complot en vue de commettre une fraude.
Honnêtement, qui fait ça ? C’est une vraie question, j’attends des réponses en commentaires. Qui épouse quelqu’un poursuivit pour fraude et complot à hauteur de plusieurs millions de dollars ? Une personne qui sera persona non grata pour le restant de ses jours dans n’importe quel milieu professionnel. Je repose la question : qui signe pour ça ?
Pourquoi c’est bien commode ?
Cette relation tombe à point nommé pour Elizabeth Holmes. Cela peut s’avérer utile d’avoir un fiancé/mari issu d’une famille fortunée quand on est visée par une plainte pour fraude de plusieurs millions de dollars et qu’il se peut que l’on doive se délester de ses possessions matérielles.
Mis à part ses finances, Billy Evans permet de montrer un autre visage d’Elizabeth Holmes et participe pleinement au personnage qu’elle présente désormais au Monde.
Billy Evans, une arme face à la Cour
Le Covid a retardé l’ouverture du procès de quelques mois. Elizabeth Holmes a informé la Cour de sa grossesse. Ce qui lui a permis de gagner quelques mois supplémentaires. Le reporteur Nick Bilton avait prédit cette grossesse dans son podcast (Inside the Hive) en disant que cela la rendrait plus sympathique à la barre aux yeux des jurés.
William Evans cinquième du nom est né en juillet 2021 et le procès de sa mère a débuté au mois de septembre de la même année. Billy Evans a d’ailleurs utilisé cet argument devant la Cour afin d’obtenir de la clémence. Il a dit qu’il avait le cœur brisé à l’idée d’être éloigné de “Liz” et que son fils ne voie sa mère que derrière une vitre entourée de gardes armés.
En janvier 2022 elle est reconnue coupable de fraude envers ses investisseurs. Mais sa sentence ne sera défini qu’en novembre 2022. Or, en septembre 2022, on apprend qu’un ancien employé se serait confié à son époux Billy Evans. Il aurait dit regretter d’avoir été si dure avec son ancienne patronne à la barre. Selon lui, tout le monde faisait en sorte que cela fonctionne. Tout le monde y compris Elizabeth Holmes travaillait dure dans ce but. Une information qui permet à ses avocats de demander une révision de procès.
Bien qu’il ne soit pas partie prenante dans l’affaire Theranos, Billy Evans occupe une place prépondérante dans le procès de sont épouse. Il est le pilier sur lequel repose toute sa stratégie de défense. Sans lui à ses côtés, l’issue aurait sans douté été différente.
La nouvelle Elizabeth Holmes
Entre la fin de son procès et l’annonce de sa sentence, Billy et Elizabeth ont mis en route leur second enfant. Ainsi, elle est à nouveau apparue enceinte en se présentant à l’audience en novembre 2022. Holmes a été condamnée à 11 ans de prison dans un centre carcéral de sécurité minimum au Texas. Le terme de sa grossesse étant prévu pour février 2023, elle doit commencé sa peine fin avril 2023.
D’un côté je comprends. L’envie de profiter du temps imparti. Après tout, on ne sait pas de quoi demain sera fait.. En même temps, je trouve le stratagème abject.
Ses grossesses ont fait partie de sa stratégie de défense. Elles lui ont permis de gagner du temps et de gagner en sympathie. D’une façon générale, sa relation avec Billy Evans a jouée un rôle primordial dans le personnage qu’elle s’est forgée pour venir à la barre. Grâce à lui, elle devient une femme douce, aimante et aimée. Elle mène une vie normale, proche de la nature et des animaux. C’est une femme comme les autres qui voulait seulement réussir en faisant quelque chose de bien pour les autres. Malheureusement, elle a échoué ou bien, elle s’est fait avoir par un/des homme(s).
Fini le look de working girl, elle se présente aux audiences main dans la main avec son mari, sa mère et parfois même son beau-père. Adieu le pantalon. Elle porte une jupe, noire ou bleue marine, se détache les cheveux. Elle s’est même débarrassée de son maquillage signature.
Bref elle casse l’image de méchant magnat de la tech pour arborer le look de madame Ingalls avec un joli baby bump pour faire passer la pilule.
L’effet Elizabeth Holmes à son paroxysme
Si on s’y penche sérieusement, elle fait exactement ce qui l’a mené à faire de Theranos un succès commercial. Elle connaît sa cible, s’approprie les codes, revoit son look. Elle déploie des moyens supérieurs et fait passer son effet au niveau supérieur parce que sa vie en dépend.
C’est brillant et terrifiant à la fois. Brillant parce que dès qu’il a été clair qu’elle n’allait pas s’en sortir comme ça elle a déniché un bon parti. Grâce à lui, elle pourrait se réinventer. Dès le départ, cette romance a été commentée par les médias, illustrée par les photos du couple postées sur les réseaux sociaux ou qui « fuitant » dans la presse. Le sujet passe de son échec retentissant à sa vie sentimentale. On publie des photos d’elle en compagnie d’un charmant garçon, alors qu’elle ne porte plus son uniforme historique. Une mène une vie simple, fait des activités tout aussi simple. Bref, on dirait une autre femme, plus humaine, plus touchante. C’est par là que tout commence.
La clé du succès : contrôler son image
Une fois le procès lancé les cartes ne sont plus entre ses mains. La seule chose qu’elle contrôle alors c’est son image. Mettre l’accent sur le fait que sa famille la soutenait, que c’était une femme comme les autres, désormais mariée c’est la seconde étape. Elle montre à tous qu’elle est entourée et soutenue. Cela laisse entendre que ce qu’elle a fait n’est pas si horrible. Sinon ses proches lui auraient tourné le dos. Elle n’est donc pas l’horrible personne qu’on imaginait.
Pour marquer davantage ce sentiment, elle arbore un look différent qui détonne face aux faits qui lui sont reprochés.
Le personnage de la mère de famille
Le grand final c’est de passer du statut de femme à celui de mère de famille. C’est la manifestation suprême de son changement intérieur. Parce que la maternité, ça vous change. On ne voit plus les choses de la même façon, cela fait évoluer les priorités… Cela change également la façon dont on est perçue et pousse à la compassion. Difficile de condamner une mère de famille propre sur elle, entourée de ses proches fortunés. La maternité est l’ultime tentative d’Elizabeth Holmes pour casser définitivement son image de “bad guy”. Un plan pour se mettre l’opinion et les jurés dans la poche afin d’obtenir la clémence voire, carrément, la relaxe.
C’est tout ce qu’elle savait faire. Tout ce qu’elle pouvait faire. Et exactement ce qu’il fallait faire. Mais c’est tellement terrifiant de voir que cette femme est prête à tout.
Bien qu’elle ait donné naissance à sa fille, Invicta (qui signifie “invincible”), en février 2023, Elizabeth Holmes n’a pas commencé sa peine de prison comme prévu le 27 avril 2023. Elle fait appel de sa sentence. Ses avocats ont fait valoir le droit de rester en liberté jusqu’à la révision du procès.
L’arme ultime d’Elizabeth Holmes
Pourquoi ça marche ? Pourquoi cette stratégie, ce nouveau personnage fonctionne ? Simplement parce qu’il découle du sexisme.
Le sexisme a toujours été la stratégie de défense n°1 d’Elizabeth Holmes. En 2015, lorsque tout commence à s’effondrer, sa première réaction est de dire qu’elle est attaquée parce que c’est une femme qui réussit. Ensuite, elle prétend avoir été manipulée et abusée sexuellement par son COO et Ramesh Sunny Balwani. Elle déplace le sujet sur les violences faites aux femmes et les pervers narcissiques. Sans doute pour se placer en victime sous emprise donc pas responsable de ses actes et susciter la compassion.
Après avoir joué les mecs pendant des années, elle passe d’un coup de l’autre côté avec un look plus féminin. L’objectif est de rappeler à tous que c’est une femme et pas un homme qui va être jugée. Tout simplement parce que selon les statistiques la Justice à tendance à épargner les femmes. Elle insiste également sur le fait que c’était une femme dans un milieu majoritairement masculin. Que de ce fait, on ne la tenait pas au courant. Ainsi elle plaide la naïveté et implore la clémence tout en faisant reculer la condition de la femme des dizaines d’années en arrière.
L’hypocrisie du système
D’un autre côté, elle joue le jeu du système en place. Je m’explique. De nombreux fondateurs de start-up ont été pris la main dans le sac à mentir à leurs investisseurs, aux autorités et à trafiquer des documents. La plupart s’en sont sortis en signant des accords, en payant des amendes et en renonçant à leur poste. Ce qui ne les a pas empêché de continuer à entreprendre (coucou Elon Musk). Dans le cas de Theranos, il s’agit d’une femme. Une femme dans le secteur de la science. Et c’est justement à cette occasion que se met en place un “acharnement médiatique”. Je trouve cela un peu facile.
D’autant plus qu’à la différence d’autres start-upers peu scrupuleux avec les chiffres ou la santé d’autrui, Elizabeth Holmes n’était pas motivée par l’appât du gain. C’est clairement le seul point de sa défense que je considère comme véridique. Le but n’était pas de s’enrichir. Le but était de devenir une icône et de le rester. C’est donc le péché d’orgueil en action. D’ailleurs, quelques médias américains ont parlé de la notion d’hubris en traitant le sujet.
Outrance dans le comportement inspirée par l’orgueil
Hubris
Homme vs femme : traitement de l’info différent
Là encore, il s’agit pour moi d’une nouvelle démonstration de sexisme. La plupart des articles consacrés à Bernard Madoff relate les faits, le traite ouvertement d’escroc, condamne ses agissements. Mais aucun ne s’intéresse à la psychologie derrière ses actes. Aucun ne sous-entend qu’il avait un vice, qu’il était “impur”.
Certains articles relatant les coulisses de Theranos quelques mois avant sa fermeture définitive présentent même Elizabeth Holmes comme une sociopathe incapable d’exprimer la moindre émotion. Elle serait complètement déconnectée de la réalité. Elle persisterait à faire semblant que tout va pour le mieux et à inventer des contrats. Déjà, c’est amusant comme tout le monde te complimente sur ton attitude quand tout te réussi puis comme le discours change radicalement lorsque ça sent le roussit. Ensuite, si elle avait été un homme, pas sûr qu’on aurait tenu le même discours. Et il est quasi certain qu’on ne se serait pas intéressé à ses émotions et sa capacité à les exprimer.
Une pointe de compassion pour Elizabeth Holmes
Tout était en train de s’effondrer autour d’elle. Alors, elle a continué à agir comme elle l’avait fait pendant toutes ces années. Quand t’a passé des années à mentir toute la journée, j’imagine que ça devient une seconde nature.
Si on se pose deux minutes, on peut quand même admettre que les 12 ans de Theranos n’ont pas dues être de tout repos. Vivre dans un stress permanent à l’idée que tout le monde découvre que tout ton business est basé sur du vent. Devoir falsifier des documents pour que le rêve de changer le monde puisse se concrétiser un jour… C’est sans doute pour ça qu’une fois libérée du poids de la pression liée à Theranos, elle s’est mise à avoir une vie privée.
Alors, une partie de moi a envie de lui laisser le bénéfice du doute. Peut-être qu’elle n’est pas aussi machiavélique qu’elle en a l’air. Peut-être que contrairement à ce que j’ai prétendu, il n’y avait rien de prémédité dans sa relation avec Billy Evans. Tout ceci n’est sans doute qu’un enchaînement de coïncidences et d’effet YOLO. Et peut-être que le vrai problème c’est le sexisme. C’est le sexisme en place qui lui donne force et arguments. C’est le sexisme qui lui donne les leviers sur lesquels miser pour obtenir gain de cause.
Peut-être est-ce l’ensemble de la société, ses idées préconçues, ses penchants naturels, ses tendances qui sont responsables de sa force, de son pouvoir.
Update fin mai 2023
Le 9 mai 2023, le juge en charge du procès Elizabeth Holmes a ordonné la restitution de 452 millions de dollars aux victimes de ses crimes. Dont notamment 125 millions de dollars à Rupert Murdoch, 40 millions à Wallgreens et 14.5 millions à Safeway. Ramesh Sunny Balwani devra également participer à l’acquittement de cette dette. Les deux ex-amants tentent tout de même de se dérober en évoquant la banqueroute engendrée par leurs divers frais de justice.
Le 17 mai 2023, la Cour rejette la demande d’Elizabeth Holmes de rester en liberté en attendant la révision de son procès. Nous connaîtrons bientôt la nouvelle date de son entrée en prison.
Le 19 mai 2023, Elizabeth Holmes doit se constituée prisonnière le 30 mai 2023.