Je suis allée voir Materialists ce matin. J’y suis allée seule car il y a bien longtemps que j’ai passé le cap d’aller seule au cinéma. Pour autant, cela ne m’empêche pas d’avoir envie de parler du film en sortant.
Le premier numéro qui m’est venu à l’esprit est celui de mon ami L. J’ai réalisé que pour lui, et probablement pour d’autres de mes amis, je suis Materialists.
Je suis tous ces hommes et toutes ces femmes intransigeants qui débarquent avec une liste de non-négociables longue comme le bras. Je suis Lucy, froide et blasée qui voit le mariage comme un contrat, une transaction qui nécessite de s’appuyer sur des éléments tangibles pour avoir de la valeur.
Est-ce vraiment mal ?
Materialists en bref
Long story short, dans Materialists on suit Lucy, une match maker successful, qui trouve des compatibilités entre les profils de ses adhérents selon les critères qu’ils ont énoncés. Elle va découvrir de façon tragique qu’on ne connaît pas la véritable nature des gens seulement en se basant sur leurs aspects physiques et patrimoniaux. Il faut bien plus que des cases cochées des deux côtés pour une union heureuse. Lucy finira par remettre en question son seul et unique non-négociable : l’argent.
J’aurais aussi pu centrer cet article autour de l’anxiété financière qui l’a amenée à énoncer ce critère immuable. Anxiété financière qui ne fait que croître et a un impact sur chacun d’entre nous. C’est sans doute pour cette raison que la fin est tant décriée… Mais en ce moment, je suis fleur bleue. Alors je vais me contenter de parler d’amour.
Materialists : satire du dating en 2025
On avait déjà un avant-goût de cet univers avec le film Hitch Expert en séduction. Cependant, dans le film de Celine Song, nous avons une vraie réflexion profonde autour du marché du dating.
Le mariage y est perçu comme une collaboration commerciale sensée profiter aux deux parties, faire fructifier leurs investissements et augmenter leur propre valeur. Dans cette configuration, les sentiments amoureux passent au second plan. Il est semble juste d’épouser quelqu’un qui répond à nos critères et partage notre vision de l’avenir même si l’Amour ne fait pas partie du tableau.
Valeur de marque et image perçue
Materialists présente l’Amour comme un marché dont les participants sont des produits (mainstream ou niche), des actifs financiers qu’il faut marketer et développer afin de les vendre à la bonne cible (ou à la cible convoitée).
Ainsi, les participants à la bourse impitoyable de l’Amour spéculent sur eux-mêmes afin d’augmenter leur côte, leur désirabilité. Quand c’est nécessaire, ils opèrent ce qu’on pourrait appeler dans le jargon du marketing un rebranding. Les femmes se font refaire les seins et le nez tandis que les hommes se cassent les jambes en espérant passer la barre fatidique des 1,80m.
Recherche relation bankable
Le film se veut une critique de l’univers du dating, de la vie amoureuse moderne et de tous les facteurs qui viennent déshumaniser les relations interpersonnelles. On veut du m’as-tu-vu, soigner son ego en se pavanant au bras de quelqu’un qui coche des critères universels insipides.
Parce que tout de nos jours doit être noté, productif et susciter l’envie.
Pourquoi L me pense Materialists ?
Si j’ai direct pensé à mon ami L, c’est parce que ce film m’a rappelé des conversations que nous avions déjà eues.
Ma Lune est en Capricorne
J’ai toujours eu une façon assez rationnelle d’aborder les choses. C’est sans doute lié au fait que mon signe lunaire est Capricorne. Je m’attache aux faits, au tangible et j’aime analyser les situations pour prendre des décisions raisonnées plutôt que de me laisser happer par les sentiments. Ce qui ne m’a pas empêché de commettre moult et moult erreurs, mais là n’est pas le sujet.
Rigidité et pragmatisme
Par exemple lorsqu’un film ou une série met en scène un couple interdit (mère-gendre, mari-meilleure amie…) je ne comprends pas. Pas seulement parce que ça me met hors de moi, ni que je trouve cela d’une extrême méchanceté et terriblement égoïste. Non ! Je ne conçois pas qu’on puisse oublier totalement la rationalité dans sa prise de décision. Je ne conçois pas qu’on puisse invoquer l’Amour pour justifier de tels actes.
Il en va de même pour les tromperies. On sait que ça ne se fait pas en 30 secondes et que l’idée germe depuis plusieurs jours/semaines. Alors l’excuse du “j’ai dérapé”, très peu pour moi. Comment peut-on être esclave de ses pulsions et ne pas savoir les dompter ?
Ma Lune est en Capricorne. La rigidité et le pragmatisme impactent ma façon de ressentir les choses, de me protéger, de gérer mes émotions.
Plus dans l’analyse que dans l’affect
Je n’ai pas honte de l’avouer ! J’ai moi-même une liste de critères. Ça va avec le côté pragmatique et objectif dénué d’affect du Capricorne.
Pour moi, il est important de savoir ce qu’on veut et ce qu’on ne veut pas. Il est important de connaître ses limites et d’anticiper pour pouvoir réagir vite.
Parfois, je n’entame rien. Je ne donne pas suite à cette sollicitation. Je ne vais pas à ce date. Parce que je sais déjà. Je sais que ça n’ira nulle part. Je sais que ce n’est pas ce que dont j’ai envie.
J’ai déjà vu la fin avant même qu’il n’y ait eu un début
Récemment, j’ai découvert que les gens ne fonctionnaient pas comme ça. Il ne savent pas dès le départ où telle relation va les mener, ni ce qu’il espèrent en tirer. Ils vont aux dates, se mettent en couple, présentent leurs groupes de potes et leurs familles, s’installent ensemble, postent des photos sur les réseaux sociaux, sans savoir ce qu’il adviendra, ni ce dont ils ont envie. Étrange !
Il m’est arrivé d’avoir des fréquentations éphémères mais en ayant parfaitement à l’esprit quelles l’étaient. Jamais je ne me suis lancée en disant : “on verra bien ce que ça donne”.
Je suis Materialists et delulu
Il ne l’a pas dit de cette façon mais je suis sûre que c’est ce que L entendait la fois où il m’a dit : ‘tu vis trop dans tes fantasmes !”.
En soi, il a raison. Je veux quelqu’un qui soit à la hauteur de mon imagination. A quoi bon être avec quelqu’un si la personne ne nous fait pas rêver ? Autant rester seul.e, non ?
Je suis delulu et je crois que je l’assume maintenant plus que jamais. Je sais que le pire, ce n’est pas de ne jamais se marier, de ne jamais avoir d’enfant, de ne jamais rencontrer sa personne et finir seul.e. Le pire c’est de choisir la mauvaise personne pour vivre tout ça.
Faire un choix raisonné et raisonnable
C’est un des sujets que traite Materialists : l’anxiété de la solitude, l’anxiété du temps qui passe. A cause de cette angoisse, on voit des gens qui se conditionnent.
Derrière ces listes de critères et les affirmations positives telles que “je suis une bonne prise, je ne vais pas baisser mes standards”, il y a surtout des personnes qui meurent d’envie d’être choisies pour ne pas finir seules.
Elles font un choix raisonné et raisonnable. Parfois en excluant totalement l’Amour des tractations parce qu’elles ne veulent pas se tromper. Mais également parce qu’elles savent que l’Amour ne fait pas tout. Parfois une vie confortable et quelques bonnes conversations peuvent faire l’affaire. Plutôt que de tomber amoureuses, elles vont faire le meilleur choix possible et se conditionner pour un jour être amoureuses de ce choix.
Est-ce si terrible que ça ?
Le rôle de la pression sociale
Ce qui m’a sauté aux yeux grâce à ce film, même si j’étais déjà au courant et bien placée pour le savoir, c’est qu’il est de plus en plus difficile de trouver quelqu’un. C’est à la fois une bonne chose et une mauvaise.
C’est une bonne chose car cela montre que quelque part, on devient plus sélectif.
Je suis persuadée que beaucoup de personnes se contentent de ce qu’elles ont sous la main à l’instant T. Elles ne sont pas amoureuses. Elles se sont conditionnées pour le devenir parce qu’elles étaient à un âge où on veut/doit se marier, avoir des enfants, une maison, un chien et montrer aux autres qu’on n’est pas seul.e.s et qu’on a réussi nos vies.
Ou bien elles restent car elles ont déjà trop investi dans cette relation pour faire marche arrière et tout recommencer avec quelqu’un d’autre. Ce qui explique pourquoi tant de femmes supportent leur tocard.
L’amour conditionnel
Dans Materialists on assiste à une autre forme de conditionnement. Les femmes qui cherchent l’Amour (parce qu’on voit principalement des femmes) ont abandonné. Elles ont laissé tomber l’idée de tomber amoureuse et cherchent plutôt un partenaire aligné avec leur style de vie et leurs objectifs.
En soi, ce n’est pas si bête. C’est un bien meilleur raisonnement que de se persuader qu’on est amoureuse de ce tocard parce que c’est avec lui qu’on est lorsqu’on atteint l’âge fatidique.
La mariée du début du film avoue qu’en plus des critères sociaux-économiques, si elle l’a choisi lui c’est parce qu’il lui permet de gagner la guerre d’ego qu’elle se livre avec sa soeur et pas parce qu’elle est folle amoureuse de lui.
Ne pas voir grand
C’est pour cela qu’il y a tant de femmes qui critiquent le film. On a l’impression que Celine Song pousse les femmes à avoir moins d’attentes. Qu’elle leur demande d’être moins catégoriques et de moins chercher à s’élever par le biais du mariage.
On pourrait croire qu’elle incite les femmes à se brader et à arrêter de croire au prince Charmant.
Ce qui est à la fois juste et maladroit.
Combien de femmes sont en réalité les assistantes bénévoles de leur époux ? Est-ce qu’on peut en vouloir à des femmes accomplies de vouloir un homme tout aussi accompli qu’elle ?
Il y a cette croyance qu’une femme doit prendre un homme médiocre et le façonner pour en faire quelqu’un de génial, l’aider à s’élever. Si elle supporte tout, elle devient plus forte, plus méritante. Si elle aide son homme à s’accomplir, elle devient l’épouse modèle… Pfff !
Pourquoi L veut que je renonce à être Materialists ?
Mon ami L voudrait que je laisse tomber.
Il voudrait que je renonce à mes “fantasmes”. Que j’arrête de voir grand, trop grand. Que je cesse de chercher l’extra-ordinaire. Il voudrait que j’efface mes critères et que je prenne tout ce qui passe parce qu’on ne sait jamais.
Arrête de rêver, ce n’est pas à ta portée
Il voudrait que je cède à l’anxiété comme si cocher la case “Mariage” était suffisant à mes yeux. Pour lui, il n’est pas concevable que mes critères m’aident à faire le meilleur choix possible. Ou bien il pense que je ne suis pas assez bien pour avoir “le mec de mes rêves”.
L’idée est la suivante : si tu es un 2 tu ne peux pas avoir les mêmes critères que si tu étais un 7, ni même t’attendre à dater un 8 et plutôt te contenter d’un 2 comme toi. Ou encore, tu devrais laisser sa chance à un 2 même s’il ne te fait pas rêver, ça pourrait matcher.
J’ai très souvent entendu ce genre de théories dans ma vie. D’ailleurs, on la retrouve dans le film. Des hommes et des femmes aux exigences trop longues qui ne cadrent pas avec qui ils/elles sont et ce à quoi ils/elles peuvent prétendre.
C’est le job de la match maker. Elle évalue les prétendants en fonction de leur famille, études, professions, patrimoine et objectifs de vie et ne leur présente personne “d’inférieur”. Par contre, si les prétendants pensent prétendre à quelqu’un de “supérieur”, elle calme leurs ardeurs.
Life in plastique
Mon ami L m’a souvent dit que j’avais une liste de critères immuables qui m’empêchaient de trouver quelqu’un. Selon lui, je suis trop intéressée à cocher les cases. Cette “obsession”, ce côté catégorique, m’empêche de tenter. Je refuserais de me lancer dans une relation, de donner sa chance à quelqu’un qui ne coche aucune case.
Plus j’y pense et plus je me dis que mon ami L me voit comme quelqu’un de superficiel (aka Materialist). Sinon, comment expliquer qu’il veuille que je jette mes critères aux oubliettes alors qu’il ne les connais pas ?
Mes critères superficiels
Comme on est entre nous ici et qu’il est important de savoir de quoi on parle, voici mes non-négociables, mes cases à cocher, mes critères immuables :
- 5 ans d’écart maximum
- Jamais marié
- Pas d’enfants
- Aligné avec moi politiquement et spirituellement
- Aime les animaux
- A un travail et/ou des projets professionnels
- Pas d’addictions
- Un bon fond (attitude, équité, justice, sens moral…)
- Mêmes projets d’avenir
C’est tout ! Pas de ‘1,80m minimum’, pas de ‘salaire annuel à 90k’, pas de ‘m’emmène diner au Ritz, assister aux Grand Prix’, ni de ‘famille aristocrate”… Sachant que dans la liste, il y en a deux avec lesquels je peux transiger. Trois éventuellement si je suis une bonne thérapie pour éliminer mes traumas d’enfance ^^.
Personnellement, je ne trouve pas qu’ils soient démesurés ni qu’ils servent à nourrir mon ego.
Alors pourquoi y renoncer ?
Je renonce à mes critères ?
S’il avait vu Materialists avec moi L m’aurait surement dit : “Tu vois ! Elle élimine ses critères et c’est comme ça qu’elle s’ouvre à l’Amour. Tu devrais faire pareil, sinon tu vas finir seule à t’accrocher à tes rêves. ”
Il aurait négligé une chose : Lucy renonce à l’argent mais ajoute l’Amour comme critère immuable. Parce qu’elle se rend compte que les choses ont nettement moins de saveur s’il n’y a pas d’amour.
Et n’oublions pas que Chris Evans, qui interprète le comédien de théâtre qui poursuit son rêve de percer tout en travaillant comme serveur et qui vit en coloc à 37 ans, est loin d’être un gremlins à moitié chauve. Il fait bien 1,80m et son avenir semble florissant. D’ailleurs, il ne se contente pas de végéter dans son salon pourri en attendant que sa carrière décolle. Non ! Il travaille son Art et travaille pour un traiteur afin de payer ses factures en attendant que l’Art paye.
Il n’est pas fortuné mais pourrait le devenir. Il est beau, intelligent, il fait de son mieux, bosse sur lui-même, et c’est une bonne personne.
Alors, est-ce que ce film m’a donner envie de jeter ma liste de critères ? Pas du tout !
Pourquoi je ne renonce pas à mes critères ?
Déjà parce que je n’ai qu’une dizaine de critères non-négociables et qu’aucun n’a trait à l’argent ou au physique. Je ne traite pas l’autre comme un objet qui me donnera plus de valeur. Je ne remets pas entre les mains de l’autre ma survie ou mon confort.
Mais surtout, tous sont atteignables. En fait, plus je les relis et plus je me dis qu’ils n’ont rien, absolument rien, de délirant. Si je dois vraiment renoncer à tous (ou à plusieurs d’entre eux) pour trouver l’Amour c’est que ce n’est pas MA personne et qu’il vaut mieux rester seule. Tout simplement.
Ne pas avoir à transiger avec soi-même c’est aussi un non-négociable.
Materialists ou vaniteux ?
Lucy revoit ses critères parce qu’elle devient moins vaniteuse et parce qu’elle réalise qu’elle peut être elle-même à l’origine de son ascension sociale et de son confort. Elle maîtrise son anxiété financière et se soucie moins des apparences et du bling-bling.
C’est à cause du climat actuel que le choix du personnage principal de mettre un terme à sa relation avec l’homme riche parce qu’il manque l’alchimie est tellement décrié. Le personnage de Chris Evans a été perçu comme un raté, radin, avec peu d’ambitions alors que ce n’est absolument pas le cas. Au contraire, il n’abandonne pas son rêve. Il fait preuve de maturité en vivant selon ses moyens, en travaillant dans d’autres secteurs d’activité pour survivre.
L’alchimie, elle est là… ou pas
Je ne renonce pas parce qu’il y en a deux que je n’ai pas nommés et qui surpassent tous les autres. Je veux quelqu’un qui me plaise et je veux de l’alchimie.
Jusqu’ici j’avais du mal à mettre des mots sur ma volonté profonde en matière de dating. Alors je me suis mise à la place de Lucy. Si je rencontrais quelqu’un qui cochait toutes mes cases factuelles, est-ce que je foncerais tête baissée même si entre nous c’est plat ? Non, parce qu’il manquerait quelque chose d’imprévisible, qui ne repose sur rien : l’alchimie.
Le critère n°1 (Materialists ou pas)
En sortant de Materialists, je sais désormais quoi lui répondre la prochaine fois qu’il me dira que je suis trop rigide. Je lui dirait que mon critère numéro 1 c’est l’alchimie.
Car au-delà de la passion, de l’attirance et d’une liste de prouesses et d’acquisitions il y a cette sensation un peu magique qui survient lorsque tu es avec la bonne personne. L’alchimie rend les choses simples, exceptionnelles.
Materialists est un film sur l’amour de soi, des autres, et l’empowerment. J’ai spoil la fin puisque l’important n’est pas qui elle choisi mais le cheminement qui l’amène à choisir Chris Evans aux dépens de Pedro Pascal. Le message derrière tout ça c’est de choisir l’amour, l’alchimie, parce que c’est ce qui t’aidera à surmonter les périodes difficiles. Parce que tu peux réaliser tes rêves et constater qu’ils te laissent un goût amer parce que tu ne le fais pas avec la bonne personne à tes côtés. Celle qui rendra l’ordinaire, extra-ordinaire, le spécial encore plus spécial.
Après avoir vu Materialists, je suis bien décidée à conserver ma liste de critères même si je passe pour la nana désespérée et delulu.