J’étais tranquillement assise au Salon des Entrepreneurs quand j’ai aperçu une jeune fille avec à son épaule, un tote bag sur lequel il était écrit : « This is a tote bag by Diesel ». Je n’ai pu m’empêcher de prendre discrètement une photo. J’espère que la jeune fille en question ne m’en voudra pas (même si elle ne m’a pas vu). D’ailleurs, je ne voulais pas voler son image, seulement celle de son tote bag qui, bizarrement, m’a choqué.
Je dis bizarrement car j’ai tendance à faire complètement abstraction des marques et des publicités. J’entends les plaintes des usagers des transports en commun qui seraient constamment sollicités par la publicité. Cela me déconcerte complètement. Rien ne les empêche de regarder ailleurs : ça s’appelle avoir de la force mentale. Mais en ce moment, j’ai l’impression de voir des logos partout, en particulier sur Instagram et les sites de e-shopping.
Les logos reviennent en force
Les nineties sont la nouvelle décennie tendance. Alors de nombreuses enseignes reprennent des logos que nous avions l’habitude de voir à l’époque. Ceux des marques de sodas comme Seven Up, Pepsi, Coca-Cola. Ils sont cool parce qu’ils sont rétro, on les porte avec tout mais il sont surtout légitimes. Ces marques ont toujours permis l’existence de pièces de ce genre qui participent à leur rayonnement. Après tout, il s’agit du logo que l’on retrouve sur les produits qu’elles vendent en magasins.
Parmi les marques légitimes, on retrouve également Diesel et Levis qui possèdent toutes les deux des pièces logotypées avec un fond rouge et une écriture blanche. Ou encore Fila, très populaire dans les années 90’ et Ellesse avec son fameux t-shirt au logo de demi-lune orange et rouge. Bref, la quasi totalité des marques de streetwear adeptes de la logomania dans les années 1990 font leur come-back en 2018 et sont d’office approuvées.
Quand le luxe l’adopte avec succès
Là où, en revanche, on se pose davantage la question, c’est lorsque les marques de luxe, d’ordinaire bien éloignées du streetwear, commencent à adopter la tendance.
Le luxe s’approprie de plus en plus les codes populaires afin d’acquérir de nouveaux consommateurs et de sortir de sa petite bulle dont l’accès est bien souvent réservé à une certaine élite. Bien souvent, cela passe par le logo. Parfois le pari est réussi et la collection vaut le détour. Comme la collaboration entre la marque new-yorkaise Supreme et Louis Vuitton qui a eu un succès fou. C’est le parfait mariage entre une marque de luxe et une enseigne de streetwear. J’étais la première à craquer pour leurs sacs rouge écarlate. Le rouge, c’est ma couleur ! Je comprends donc le succès de cette collection ainsi que la présence constante du nom Supreme. Après tout, la marque faisait cela sur ses propres produits depuis longtemps. Avec Louis Vuitton, sa logomania prend simplement plus d’ampleur et de cachet.
Le logo est cool également quand il est mis au point par Diesel. Eh oui, lorsque la muse Inspiration se penche sur la marque Diesel, elle se détourne quelques instants de ses tote bags ridicules et sans saveur pour pondre une collection rafraîchissante. Diesel s’est récemment amusée à détourner son logo pour faire un clin d’œil au marché parallèle de la contrefaçon qui lui coûte chaque année des millions et lancer, par la même occasion, des pièces collectors estampillées « Deisel ». En voilà une initiative créative et innovante qui respecte l’identité de la marque et surfe sur la tendance logo !
Logo fever
Même Le Bon Marché Rive Gauche n’est pas épargné par cet engouement pour le logo. Le grand magasin parisien lui consacre une exposition jusqu’au mois d’avril. Pour l’occasion, il a mis au défi 130 marques de créer des collections inédites et logotypées les amenant parfois à sortir carrément de leur domaine d’influence, la mode. Isabel Marant crée des éponges, Eres lance une collection spéciale maître-nageur, Off-White ouvre un café en collaboration avec Wild & The Moon…
Tout est logotypé, tout a un petit côté nineties, tout est amusant et décalé. Et pourtant, j’éprouve un arrière goût de trop. Trop d’informations, trop de « m’as-tu-vu ? », trop de « j’appose mon nom sur tout et n’importe quoi pour vu que l’on me voie »… C’est comme pour ce tote bag dont je te parlais au début. Un simple logo Diesel n’était pas suffisant. Il fallait absolument accentuer le fait qu’il s’agissait d’une pièce Diesel avec une phrase sans grand intérêt, écrite dans le but de capter d’avantage l’attention. Vive la redondance.
Un logo = zéro effort
L’opération Let’s Go Logo a au moins le mérite d’être ponctuelle et de débarrasser certaines griffes de leur côté guindé. Cependant, les logos poussent certaines à donner dans la facilité. Prenons l’exemple de Balenciaga. Étant une grande fan de Chiara Ferragni, je suis son quotidien et ses looks, la plupart du temps élaborés avec quelques pièces hors de prix. C’est avec elle que j’ai découvert les pièces Balenciaga.
Ce n’est pas une marque qui avait retenu mon attention jusque-là mais lorsque j’ai vu la casquette de baseball avec écrit « Balenciaga » souligné de trois vaguelettes blanches et rouges, puis l’écharpe dans le même genre, les mules avec simplement écrit « Balenciaga » et qui, sans cela, auraient été semblables à des mules achetées en grande surface ; les chemises avec « Balenciaga » sur les épaules, ou le manteau biker en peau de mouton avec écrit « Balenciaga » sur le col, je me suis dit que ça allait trop loin. Sans parler des prix qui débutent à 245 euros. Il n’y pas que des pièces logotypées mais elles sont quand même nombreuses. Ok, l’écharpe avec les « Balenciaga » qui forment un quadrillage n’est pas mal mais trop de logos tue le logo. En plus, niveau créativité, on a connu mieux.
La particularité d’une griffe n’est-elle pas que seuls les fans, les adeptes, les connaisseurs puissent la reconnaître en un regard ? Comme le t-shirt « We Should All Be Feminist » issu de premier défilé de Maria Grazia Chiuri chez Dior. Dior n’est écrit nulle part pourtant, on sait qu’il s’agit d’une pièce Christian Dior. Pareil pour les baskets ou les sacs Off-White, le nom de la marque de Virgil Abloh ou son logo ne sont pas toujours visibles et, nous n’en avons pas besoin pour savoir qu’il s’agit d’accessoires Off-White.
No Logo ?
Plus le temps passe, plus j’ai l’impression d’avoir grandi dans un monde parallèle. J’entends des gens dire que, s’ils n’arrivaient pas à l’école avec le dernier jean de marque à la mode, ils étaient rejetés. Pourtant moi, je n’ai jamais eu l’impression que la marque importait. D’ailleurs, si je cherche dans mes souvenirs, je ne crois pas avoir rencontré pendant ma scolarité des gens qui portaient des marques plus ou moins luxueuses, affichées ou identifiables en un clin d’œil sans même avoir à regarder l’étiquette intérieure. Je ne pense pas qu’avoir des marques ou non ait eu une quelconque importance. L’important, c’était plus le style, le look final. Personne ne semblait s’intéresser à la provenance. Enfin si, fallait pas que ce soit du Auchan ce qui laisse un large éventail d’alternatives.
Maintenant, avec cette avalanche de logos qui, qu’on le veuille ou non, sautent aux yeux et marquent les esprits, j’ai l’impression que cette réalité que j’imaginais être de la fiction, rattrape la mienne.
Vive l’équilibre
Pour moi, le luxe et l’élégance, c’est la marque qui ne se voit pas. S’afficher de façon ostentatoire avec tout un tas de marques clairement désignées sur chaque pièce, c’est cheap. Certaines marques ont même baissées en prestige depuis que les starlettes de télé-réalité les ont prise d’assaut et s’affichent avec en toutes circonstances. Alors, quand je vois que beaucoup de célébrités (que j’apprécient soit dit en passant) additionnent les pièces mode estampillées « Supreme », je ne peux m’empêcher de trouver ça too much. C’est plus un fashion faux pas qu’autre chose. C’est pire encore lorsque l’on regarde les prix : 900€ l’écharpe, plus de 1 000 € le porte-monnaie… On dirait que la course aux logos donne naissance à toutes sortes d’excès.
Je suis bien loin de la pensée altermondialiste ou No Logo de Naomi Klein. Je trouve seulement que les marques de luxe devraient être faiseuses de tendance et pas bêtement suiveuses. L’abus de logos dans la mode n’est pas toujours utile surtout, quand le logo n’a rien de particulier et ne sert qu’à désigner la marque. En plus, il peut être décevant et faire baisser l’estime que l’on a d’une griffe.